Voilà une mésaventure dont Jonathan* (prénom d’emprunt), 34 ans, se serait bien passé : Il est 22h lorsque le jeune homme sans activité professionnelle (bien qu’il aime se définir comme streamer sur la plateforme Twitch) s’apprête à rentrer chez lui après l’une de ses rares sorties à l’extérieur de l’appartement de ses parents. Après avoir évité quelques lancers de seringues contaminées et enjambé les déjections de clodos jonchant le sol, Jonathan parvient à rallier la gare du Nord et à se faufiler dans l’une des rames de métro qu’abrite la station ferroviaire. Pensant enfin pouvoir rejoindre son cocon familial qui ne se situe qu’à quelques arrêts de métro, Jonathan ignore cependant que le trajet le plus long de sa vie ne fait que commencer…

« Ils m’ont roué de coups car je ne maitrisais pas mes notions de trigonométrie »
Confortablement installé à l’intérieur du wagon, Jonathan sort machinalement son portable et ses écouteurs afin de tuer le temps en visionnant une compilation des répliques les plus drôles de Kaamelott.
C’est alors qu’il surprend la discussion de 3 autres passagers, passablement excités, qui semblent débattre de vive voix en abordant tour à tour divers sujets tels que les intégrales impropres mais aussi les espaces vectoriels. « Ils semblaient venir d’un autre pays, leur charabia était incompréhensible, je me suis dit on est plus en France ici ! Alors, foi de Jonathan, j’ai pris mon courage à deux mains pour dire à ses messieurs de baisser de volume car ils dérangeaient tous les usagers et que je n’entendais plus les répliques de Perceval. Y’en a même un d’entre eux, celui qui avait une fausse veste Adidas, qui s’amusait à mettre la neuvième symphonie de Bach à fond dans ses enceintes. »
Mais en coupant la discussion de ses voisins, Jonathan déclenche leur colère par la même occasion. Pas de chance pour notre jeune chômeur, celui-ci vient de tomber nez à nez avec des chances pour la France. En effet, le groupe de chances se constitue de deux futurs doctorants en astrophysique ainsi que d’un futur médecin spécialisé en neurochirurgie.
« D’où tu fais le chaud avec nous sale fils de pute ? Tu vois pas qu’on est en train de parler de sujets qui concernent le bien de l’humanité et pourraient être à l’origine de plusieurs avancées scientifiques en termes de conquête spatiale ? » Rétorque l’un des savants avant qu’un autre flot d’insultes ne s’en suive : « Tu parles sur nous on t’allume sale bâtard. Sur le coran igo, fais pas le malin avec moi tu sais pas je suis qui. Moi je sauve des vies au quotidien sale bâtard j’te monte en l’air quand tu veux vieux PD » renchérit le scientifique humaniste ayant prêté serment d’Hippocrate.
Notre malheureuse victime reste figée, comme paralysée par la peur et l’humiliation que lui inflige les véritables puits de sciences faisant prétentieusement étalage de leur érudition. « Ils ont commencé à me demander si je connaissais au moins la loi de Bernoulli puis se sont moqué de moi en voyant que je restais sans réponse. C’était horrible, on aurait dit qu’ils étaient des harceleurs de niveau… au moins un bon niveau 5 je dirais.« . Les trois harceleurs commencent à imiter des cris de singe, faisant ainsi référence au quotient intellectuel ridiculement bas de leur victime.

Les trois agresseurs étaient connus pour appartenir à l’équipe du club d’échecs de Barbès (photo)
Une tape humiliante derrière la tête à chaque réponse fausse
Courageusement, Jonathan prend ses jambes à son cou lorsque les portes du wagon s’ouvrent à la première station venue. Mais ses agresseurs sont plus vifs et le rattrape, n’ayant besoin que d’une seule fraction de seconde afin de visualiser mentalement la trajectoire et la vitesse de leur cible. Le calvaire continue donc pour notre cancre sans défense.
Autour de la victime, personne en vient en aide. En effet, les autres usagers semblent même amusés devant le piètre niveau scolaire de la victime. Ils vont jusqu’à rire de bon cœur à chaque fois que les étudiants cultivés corrigent les lacunes scientifiques de Jonathan en lui assénant pichenettes et autres tapes à l’arrière du crâne. « Pourquoi t’as des lunettes gros FDP ? J’suis sûr t’es un enculé qui sait même pas lire et, Inchallah si un jour t’écris pour une revue scientifique comme moi, tu ferais à peine 133 pages bourrées de fautes d’orthographe » proclame l’agresseur avant de porter le coup final qui enverra sa victime au sol.
A la merci des trois scientifiques fous, Jonathan fait déjà sa dernière prière voyant inéluctablement sa mort arriver. Mais c’est alors que ses assaillants se ravisent dans un moment de sagesse que seuls les hommes les plus éclairés de ce monde peuvent s’offrir : « Wola Rachid c’est bon il a eu son compte ce hmar. Mon esprit cartésien s’offusque à la seule vue de cette immonde merde humaine incapable de différencier les corps des réels R et le corps des complexes C mais on peut quand même pas ôter la vie de ce puant, pense à nos brillantes carrières.« . L’autre assaillant acquiesce : « Wesh t’as raison frère. Espérons qu’il retienne la leçon. Et puis nous ne sommes pas les hommes du ressentiment tels que définis par le grand philosophe Nietzsche. On va pas s’abaisser à la médiocrité de ce ptit fils de pute » avant que le dernier des sages hommes ne conclue en beauté : « Trêves de grivoiseries et discussions pédantes, allons détendre notre esprit et vaquer à de plus amples réflexions autour d’un bon pilon à la MJC du quartier. J’en profiterai pour y rendre la biographie d’Albert Einstein que j’ai dévorée d’une traite la nuit dernière« .

La victime ne portera pas plainte
Dénouement heureux pour la victime qui reste tout de même encore sous le choc après avoir été confrontée pour la première fois de sa vie à un tel poids de culture et de connaissances scientifiques. « J’ai pris une baffe de réalité dans la gueule, j’ignorais que les habitants du quartier de la gare du Nord étaient si cultivés. J’ai eu tort de rester cloitré chez moi toute ma vie quand j’aurais pu m’épanouir intellectuellement dehors » confie Jonathan à notre micro.
Une expérience qui s’avère au final révélatrice et qui a changé la vision du monde du jeune RSAiste. Ce dernier précise même ne pas vouloir porter plainte contre ses agresseurs, arguant que « En portant plainte, j’ai peur de stigmatiser encore plus la communauté des futurs scientifiques de notre nation. Nous avons tant à apprendre d’eux« . Un premier pas pour Jonathan vers le chemin de l’enrichissement intellectuel en somme…
Article rédigé par : Freddy Les Bons Tuyaux
Encore un excellent article.
La « victime » Jonathan est-elle la même personne, que l’auteur du livre dont vous avez fait la critique il-y-a de ça quelques jours ?
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Merci Vennek !
Il s’agit d’une pure « coincidence », bien évidemment :hap:
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« l’équipe du club d’échecs de Barbès »
Ayaooo
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Que des bons ptits gars, ils étaient dans ma promo à Polytechnique
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