« Il ne s’agit que d’un grain de sable dans un océan de problématiques racistes systémiques mais d’une grande avancée pour une utilisation des sanitaires plus éthique et plus inclusive » s’est félicité le 28 Octobre 2023 l’association antiraciste de l’université Paris 8 sur son compte Instagram.

Après des mois de lutte acharnée entre étudiants et fonctionnaires, la direction du campus a finalement cédé sous les centaines de demandes pressantes émanant des élèves. Ces derniers exigeaient une « prise de conscience massive » sur les pratiques quotidiennes qui peuvent heurter la sensibilité des personnes racisées (le terme « racisé » désignant les personnes de toutes couleurs, exceptée la couleur blanche qui n’en est pas vraiment une du fait de sa construction sociale).

Cette prise de conscience se traduit par une toute nouvelle règle, telle une chape de plomb de boucles blondes venant sanctionner tous les comportements un peu anormaux, un peu atypiques mais surtout très problématiques pouvant être commis dans les toilettes de l’institut lors de la miction, dont le but est la vidange complète de la vessie.

Sur le campus de Paris 8, la dite miction tient sa particularité dans sa ritualisation dénommée le « tir sportif de pipi » par les élèves adeptes de cette discipline ancestrale.

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Les toilettes de Paris 8 (photo) furent les premières à accueillir les tirs de pipi sur merde en 1969

Paris 8 et le « tir sportif de pipi » : une longue tradition

Depuis sa fondation en 1969, Paris 8 a été le plus grand théâtre du tir sportif au pipi français. Cette pratique, popularisée et codifiée par les toutes premières promotions du campus puis transmise aux nouveaux étudiants à chaque rituel bizutage lors des rentrées suivantes consiste à uriner sur les traces de matières fécales accrochées à la paroi de la cuvette afin de retirer les tâches sombres pour laver le socle en porcelaine et lui redonner sa blancheur immaculée.

Si pour certains cette activité participe du folklore et des traditions immuables de l’établissement qui permettent d’unir tous les élèves sous les mêmes idéaux en renforçant la cohésion de groupe, pour d’autres en revanche, elle ne contribue qu’à la perpétuation de tout un système raciste systématisé jusqu’au plus profond de l’université.

« Un rappel constant des injustices raciales »

« Uriner sur une tâche noire ou marron foncée/jaunâtre, selon les organismes, pour la faire disparaitre et ainsi l’invisibiliser relève d’un système ségrégationniste lourd de symbolique envers les étudiants noirs de peau de l’école. » dénoncent les syndicats étudiants du campus. « Nous les effaçons d’un revers de pipi pour les envoyer directement dans les caniveaux sans aucune autre forme de procès et tout cela pour notre propre amusement » témoigne Anatole, étudiant en première année d’Études sur le genre qui confie même vouloir dédier son futur mémoire de recherche sur l’abolition de cette pratique controversée : « Le tir sportif de pipi est un rappel constant pour les étudiants noirs et métisses des injustices auxquelles leurs arrières-arrières-grands-parents ont être confrontés il y a quelques siècles. En tant que descendants d’opprimés, il est tout à fait normal qu’ils puissent revendiquer eux aussi à leur tour la même douleur mais sous la forme de nouvelles injustices à inventer. L’abolition du tir sportif de pipi est donc une nouvelle lutte tout à fait pratique pour trouver un combat à mener et donner matière à de nouveaux articles académiques». Anatole a été l’un des premiers activistes de la lutte anti-pisse de son université, il dit lui-même ne jamais avoir participé à de telles « ignominies » et se défend farouchement : « J’assume ma responsabilité d’alter blanc, bien que non-genré ni cisgenre hétéronormé circulaire toutefois. Jamais je ne me suis autorisé à faire pipi sur une trace de caca car je considère cela comme une pratique dégradante en plus d’être foncièrement immature. Fort heureusement, du fait de mon androgynéité autodiagnostiquée à l’âge de 4 ans, je peux utiliser les toilettes féminines car c’est un acquis social que j’ai obtenu il y a 3 ans lors de ma « première » première année. Et dans les toilettes pour femmes je peux m’asseoir à ma guise pour faire pipi, limitant ainsi les risques de toucher la merde avec mon petit jet tout fin.« 

faire pipi de façon éthique et morale

Des sanctions disciplinaires à la hauteur des dommages moraux prévus pour les étudiants réfractaires

Ayant totalement perdu le contrôle de la situation face au chaos résultant de l’opposition entre tireurs d’élite du pipi face aux syndicats étudiants, le conseil de l’université n’a eu que deux choix : renforcer le budget du personnel d’entretien de l’établissement pour assurer des toilettes propres et sans trace de merde ou sévir.

Le système éducatif français étant ce qu’il est, c’est la deuxième option qui a été privilégiée par la direction de Paris 8 dont le président défend le choix : « Pour des raisons d’ordre économique tout d’abord car on a pas un rond pour des femmes de ménages mais surtout pour des raisons plus personnelles liées à la satisfaction qui emplit mon âme lorsque je parviens à châtier un élève pour une raison totalement arbitraire. Cela me donne un sentiment de supériorité qui me fait oublier mes propres années de souffrances lorsque j’étais un collégien quelque peu grassouillet. »

La section disciplinaire de Pairs 8 est une juridiction composée d’élus (enseignants et étudiants) qui pourra punir les mauvais usagers des WC de l’école (la rédaction d’une charte de bonne conduite pour un pipi inclusif sera d’ailleurs placardé dans tous les sanitaires du campus), et, après instruction, énoncer une sanction pouvant aller du simple blâme jusqu’à la pire des sentence : la fameuse mauvaise appréciation dans le bulletin de note tant redoutée par tous les élèves. Ces derniers sont bien conscients que celle-ci pourrait entacher leur avenir professionnel de façon définitive.

Le directeur de Paris 8 conclue : « Je souhaite faire passer un message d’avertissement à tous mes élèves : Faites très attention. Ce qui compte aujourd’hui pour les employeurs ce ne sont plus les connaissances ni la réputation de l’école (heureusement pour nous d’ailleurs) mais bel et bien votre casier scolaire. Un mauvais mot disant que vous êtes un peu raciste et c’est finito pour vous. A bon entendeur… Salut et vive le pipi assis !« .

Dhirubhai Ambani, directeur de Paris 8, milite pour des WC sans racisme et sans papier toilette non plus

Article rédigé par : José